"Ca m’en arrache une de l’admettre mais elle a été meilleure. Evidemment, tout cela c’est de la forme mais quand même. Il n’était pas dans le coup ce soir. Bizarre, quand même. Mauvaise derrière la tribune, sa technique d’éloquence l’emporte sur le plateau. Elle lui fait le coup qu’elle a fait à la jeune militante socialiste en Bretagne. Elle le questionne, l’interrompt, le nargue. Il a choisi de dire Madame, d’être poli, de dire qu’elle a raison sur certains points, de jouer fair-play. Peine perdue.
Il radote des morceaux de discours de cette campagne qu’il a menée seul, sans débattre, il a trop parlé devant des foules conquises et qu’il connaît par coeur. Dialoguant avec lui même, posant les questions et faisant les réponses à longueur de meetings. Sur le plateau, la technique ne fonctionne pas ou fonctionne mal. Il se tourne sans cesse vers PPDA pour trouver de l’air ou la caution d’un regard. Elle donne du charme à l’interruption. Il y a de la malice dans sa cruauté. Mitterrand puissance 10 dans la taquinerie en direct ?
Elle me bluffe. Merde.
Elle est dans une attitude d’ouverture quand elle l’écoute. Les débats participatifs auront finalement servi à ça. Préparer son débat avec lui. J’ai même reluqué sa cambrure sur son siège pendant qu’il évoquait les 35 heures. Il est recroquevillé quand elle récite. Elle déclame, assure, enfonce les portes ouvertes sans complexes quand lui appelle les réusssites des pays étrangers à la rescousse, elle, convoque seulement son aplomb. Lui qui a bâti son discours contre ne sait plus trop sur quoi cogner car il s’est préparé à la ménager. Elle délivre ses sentences en toute démagogie, une démagogie qui avance tranquille. Il y a une effronterie bluffante dans sa manière de faire du "y’a qu’à faut qu’on". Il la regarde par en dessous, courbé qu’il est sur la table. C’est le plan large qui le montre.
Chez lui, ce qui marchait ne marche plus. Et chez elle ce qui ennuyait fonctionne à fond. Ses formules ne font pas mouche mais elles occupent l’espace quand sa parole à lui est étriquée et patauge dans ses triomphes de la Porte de Versailles et de Bercy. Et maintenant, elle l’engueule, lui dit qu’elle est en colère. Mohamed Royal Ali. Je rève.
Demain, chacun dira que le débat n’a été gagné par personne. Que chacun a fait ce q’uil avait à faire. Faux. Elle a fait mieux que d’habitude et il a fait moins bien. Bizarrement elle est faite pour discourir à deux et il est fait pour dialoguer seul.
Dans un débat, ce n’est pas à son avantage."